L’affaire Bamberski

L’affaire Bamberski

Chronique novembre 2009

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme WEIBEL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme WEIBEL : Me BUFFLER, fin octobre l’actualité a été marquée par l’enlèvement et la séquestration d’un Dr allemand, livré ligoté aux policiers près du tribunal de Mulhouse. Ce médecin aurait été enlevé par des hommes à la solde d’un père désespéré dont la fille est morte en 1982 et dont ce médecin était le beau père. En 1995 les juridictions françaises ont condamné ce médecin à 15 ans de prison fermes pour le meurtre de sa belle-fille.

Pour le non juriste, diverses questions se posent. La première : comment se fait-il qu’en plus de 10 ans il n’a jamais été extradé d’Allemagne vers la France ? Nous sommes pourtant dans l’UE. Comment se fait-il que des meurtriers, condamnés, puissent encore s’abriter derrière des frontières qui sont censées avoir disparues ?

Me BUFFLER : en fait cette absence d’extradition du médecin allemand par les autorités allemandes est tout a fait normal.

En effet, il est d’usage en droit international que jamais un pays n’extrade ses propres ressortissants vers un pays étranger. Ainsi, la France ou l’Allemagne n’extrade jamais un Français ou un Allemand vers un pays étranger, quel qu’il soit, même si c’est un pays voisin et a priori civilisé.

En fait, ce qui est choquant dans l’affaire de la petite Kalinka Bamberski, c’est que les autorités allemandes ont apparemment très rapidement classé le dossier alors même qu’il semble, au vu des éléments dont la presse s’est faite l’écho, qu’il y avait pour le moins des éléments troublants laissant supposer que la mort était tout sauf naturelle.

Car bien évidemment, l’absence d’extradition d’un ressortissant par son pays, ne signifie pas l’impunité de ce ressortissant. Ainsi, si un Italien a commis un délit, et a fortiori un crime, la victime a parfaitement la possibilité de porter plainte devant les juridictions italiennes afin qu’il soit poursuivi, et condamné.

Une fois de plus, ce qui est choquant dans cette affaire, ce n’est pas cette absence d’extradition, parfaitement normale, mais le fait que les autorités allemandes aient semblet-il trop rapidement refermé le dossier.

Ce n’est finalement que suite a l’apparente négligence des autorités allemandes que le père de la victime s’est retourné vers les autorités françaises, espérant que celles-ci seraient plus disposées a l’écouter, ce qui a été effectivement le cas. La solution française s’est toutefois avérée plus compliquée que prévue.

Mme WEIBEL : en effet, en 1995 la cour d’assises de Paris a condamné le Dr Krombach à 15 années de prison, par contumace. Que signgifie ce terme de « contumace » ?

Me BUFFLER : en fait, lorsque vous avez commis une infraction vous étés généralement convoqué devant le Tribunal pour vous expliquer.

Lorsque vous étés convoqué, vous avez le choix :

– soit vous vous présenté et alors le jugement est régulier (on dit contradictoire),

– soit vous ne vous présenté pas et alors, si la convocation ne vous a pas été remise en main propre, le jugement est rendu par défaut.

Quand il s’agit d’un délit jugé devant le tribunal correctionnel, on dit une décision rendue par défaut. Quand il s’agit d’un crime jugé devant la cour d’assises, on parle d’une décision rendue par contumace. Depuis 2004 on ne parle d’ailleurs plus de contumace mais de simple défaut en matière criminelle.

Dans tous les cas, quand une décision est rendue par défaut ou contumace, la personne condamnée qui a connaissance de la décision a automatiquement le droit d’être rejugée, sans que cela ne porte atteinte à ses droits d’aller en appel puis en cassation. En gros, on reprend le procès depuis le début comme si la décision antérieure n’avait jamais existée.

Mme WEIBEL : enfin, le père de la victime affirme que si rien n’avait été tenté pour ramener le Dr Krombach en France, en 2015 la peine de 15 ans prononcée en 1995 aurait été définitivement prescrite. Le meurtrier n’aurait ainsi plus rien eu à craindre de la justice française. Est -ce vrai ?

Me BUFFLER : eh bien oui. La prescription de la peine, c’est-a-dire l’extinction définitive de la peine prononcée en raison de sa non-exécution, est de 20 ans en matière criminelle. Elle est de 5 ans en matière de délit, et de 3 ans pour les contraventions.

Ainsi, si la police n’arrive pas à mettre la main sur la personne condamnée dans les 20 ans, 5 ans ou 3 ans du prononcé de la peine, la personne condamnée peut tranquillement sortir du bois et n’a plus rien a craindre.

La loi est dure mais c’est la loi.

Mme WEIBEL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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