La garde à vue en France

La garde à vue en France

Chronique décembre 2009

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme WEIBEL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme WEIBEL : Me BUFFLER, l’actualité récente a une fois de plus été marquée par une polémique relative aux conditions de la garde à vue en France, le nombre des gardes à vue ayant par ailleurs augmenté de plus de 50 % entre 2000 et 2007.

Les conditions de la garde à vue en France sont-elles aussi terribles que les récents témoignages le laissent supposer ?

Me BUFFLER : tout d’abord, il convient de préciser que toute personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction peut être gardée à vue par les forces de police ou de gendarmerie. La garde à vue concerne donc tout le monde.

En pratique la personne gardée à vue est placée dans une cellule de la police ou de la gendarmerie quand elle n’est pas entendue sur les faits pour lesquels elle a été placée.

Le souci est que ces cellules sont souvent indigentes : elles sentent l’urine ou pire le vomi, vous disposez d’un simple lit en béton et d’une couverture qui sent mauvais également, et c’est tout.

En principe, la garde à vue dure 24 heures maximum , avec toutefois possibilité d’une prolongation de 24heures supplémentaires, soit 48 heures maximum. Cependant, les dérogations sont nombreuses : en cas de trafic de stupéfiants, vol en bande organisée, terrorisme, etc, la garde à vue peut aller jusqu’à 96h, soit 4 jours.

Ainsi, toute personne suspecte peut du jour au lendemain se retrouver enfermer dans une cellule crasseuse de 48 à 96h avec pour seule distraction quelques mauvais sandwichs et des WC à l’hygiène douteuses.

Et n’attendez pas la moindre indemnisation si au final il s’avère que l’on a rien à vous reprocher.

Cependant, là n’est pas le plus grave. Le souci est que toute personne gardée à vue doit remettre aux forces de l’ordre ses lacets, ceinture, voire soutien-gorges pour les femmes, afin d’éviter les risques de pendaison.

Vous imaginez les conditions d’une audition avec une personne qui doit trainer les pieds pour ne pas chuter et tenir son pantalon pour ne pas le perdre …

Surtout, les forces de l’ordre ont la fâcheuse habitude d’abuser de la fouille à corps.

Mme WEIBEL : c’est quoi exactement la « fouille à corps » ?

Me BUFFLER : la fouille à corps, pudiquement appelée « fouille de sécurité », consiste à palper le gardé à vue afin de s’assurer qu’il ne porte pas sur lui des objets présentant un danger pour lui ou pour les tiers. Surtout cette fouille va jusqu’à vérifier que rien n’est caché dans l’anus et/ou le vagin de la personne gardée à vue.

Selon une circulaire de N. SARKOZY de 2003 cette fouille à corps doit être strictement limitée aux cas où la personne gardée à vue est suspectée de dissimuler des objets dangereux pour elle-même ou les tiers (tel que lame de rasoirs). En aucun cas elle ne doit être systématique.

Problème : quand on sait qu’une telle fouille a été pratiquée sur un journaliste qui était simplement poursuivi pour diffamation ou sur une avocate qui était suspectée d’une violation du secret de l’instruction, on prend conscience du fossé qui existe entre ce qui est et ce qui devrait être.

De telles pratiques doivent impérativement cesser, et rapidement. Elles sont clairement attentatoires à la dignité des personnes gardées à vue et totalement contraires aux exigences de nécessité et de proportionnalité.

Mme WEIBEL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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