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Les juges sont-ils irresponsables ?

Chronique juin 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le meurtre de la jeune Lætitia à Pornic par un multirécidiviste a remis sur la table le débat relatif à la responsabilité des magistrats, ou plutôt à leur absence de responsabilité, lorsque ceux-ci commettent de (prétendues) erreurs.

Est-ce que les juges sont effectivement « la seule profession dans notre pays qui ne soit pas sanctionnée » comme a pu l’affirmer Cristhian ESTROSI en février dernier ?

Me BUFFLER : pas du tout. Contrairement à une idée très largement répandue dans l’opinion publique, un juge n’est pas irresponsable, il ne bénéficie d’aucune immunité et, proportionnellement à leur nombre (les juges sont environ 8000 en France), ils sont tout autant, voire davantage, sanctionnés que leurs collègues fonctionnaires d’autres ministères (Défense, Finance, Education nationale, …).

Cas unique dans la fonction publique, leurs procédures disciplinaires sont consultables sur internet sur le site du Conseil Supérieur de la Magistrature (http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/discipline-des-magistrats) et les audiences du CSM sont publiques.

Cela dit, les sanctions prises par le Conseil Supérieur de la Magistrature ne visent pas en tant que tel le bien fondé des décisions prises par un juge mais ses éventuelles fautes disciplinaires comme des retards répétitifs, des pertes de pièces, manquements au secret professionnel, voire corruption passive, etc. Il y a eu 2 révocations et 1 mise à la retraite d’office à cet égard en 2010.

Si un justiciable se contente de contester le bien fondé de la décision qui a été rendue, la solution est très simple : il faut faire appel, voire se pourvoir en cassation ou, dans certains cas, saisir la CEDH.

Dans un État de droit le principe est précsiément qu’un juge peut toujours se tromper. Sauf exception, le premier droit d’un justiciable est de toujours pouvoir bénéficier que sa cause soit réexaminée par un 2e juge, voire un 3e.

Mme VIAL : alors d’où vient ce sentiment que les juges n’auraient jamais à répondre de leurs erreurs contrairement au français, ou au fonctionnaire, lambda ?

Me BUFFLER : à mon humble avis, cela tient au fait que l’on attend trop du juge. Dans le procès d’Outreau ou l’affaire de Pornic, les juges ont pris leur décisions, certes contestables après-coup, en leur âmes et conscience en pensant « bien faire ».

Le juge est un être humain comme vous et moi qui est confronté aux mêmes dilemmes :

– face à des adultes et des enfants qui mettent en cause des pédophiles éventuels, doit-il placer les suspects en détention provisoire au risque de commettre une erreur ou les remettre en liberté au risque que de nouveaux crimes soient commis ?

– de même, face à un délinquant sexuel qui est en droit de solliciter sa libération conditionnelle et qui bénéficie d’un dossier médical et pénitentiaire exemplaire, faut-il le maintenir en prison jusqu’au terme de sa peine, au risque de plomber toute réinsertion, ou lui laisser une chance ?

C’est souvent après coup que l’on a la réponse à ces questions ; et si un juge a le malheur de se tromper, gare à la vindicte populaire.

Mme VIAL : on a pourtant l’impression que les juges sont particulièrement laxistes, l’intérêt des délinquants passant avant celui des victimes.

Me BUFFLER : c’est une vaste blague : les juges français n’ont jamais été aussi répressifs qu’aujourd’hui. La France vient de battre le record du nombre de personnes emprisonnées. Faut-il rappeler que pour la simple détention de 1g de cocaïne un justiciable (récidiviste) peut se retrouver condamner à de la prison ferme, ce qui aurait été inimaginable il y a 10 ou 20 ans ? Que le scandale d’Outreau trouve précisément son origine dans le fait que le doute profite trop rarement à la personne mise en cause ?

Le juge est soumis à l’obligation de « faire de son mieux » mais on ne pourra jamais lui imposer de garantir un résultat. Le risque 0 n’existe pas. Et s’imaginer qu’en intégrant des jurés en correctionnelle, devant le juge d’application des peines, ou en refusant tout aménagement de peine, on éradiquera cette part d’inconnu est parfaitement illusoire, d’autant que contrairement à une idée reçue, le nombre d’homicides en France n’augmente pas.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Avocat : requalification d’un contrat de collaboration en contrat de travail

La profession d’avocat est ainsi faite que tout avocat qui travaille pour le compte d’un cabinet n’est pas (sauf exception) salarié de ce cabinet mais collaborateur libéral.

La différence est de taille puisque, comme le rappelle l’article 14 du Réglement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), contrairement au salariat la collaboration libérale est un mode d’exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination. En outre, et surtout, le collaborateur libéral doit pouvoir constituer et développer une clientèle personnelle, ce que trop de cabinets oublient sciemment.

La sanction du non respect de ces règles est la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail, avec toutes les conséquences de droit qui en découlent (notamment rappel URSSAF).

Ci-dessous un exemple strasbourgeois (nul doute que les membres du barreau strasbourgeois auront reconnu le cabinet concerné).