Archive dans novembre 2011

Le nouveau régime de la garde à vue conforme (pour l’essentiel) à la Constitution mais pas forcément à la CEDH

1. Par sa Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, le Conseil Constitutionnel a déclaré le nouveau régime de la garde à vue en matière d’enquête préliminaire (art. 62 à 63-4-5 CPP) conforme à la Constitution, avec cependant une réserve quant à la pratique de l’ « audition libre » lors de laquelle la personne suspectée doit se voir informée de la nature et de la date des faits reprochés et de son droit de quitter à tout moment les locaux des enquêteurs (considérant n° 20).

Décision à lire sur http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/l…

2. Cependant, la Cour d’appel d’Agen a prononcé selon arrêt du 24 octobre 2011 et au visa de l’article 6§3 de la CEDH une nullité de garde à vue au motif que l’avocat n’avait pas eu accès au dossier.

Vous trouverez le facsimilé de cet arrêt sur le lien suivant: http://www.cabinet-ferly.com/documents/doc_493.pdf

Rien n’est donc joué.

Communiqué FNUJA du 20/11/2011

La gestation pour autrui

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en juillet dernier le Parlement a adopté la nouvelle loi sur la bioéthique. Dons d’organes, recherches sur l’embryon, procréation médicalement assistée…, la nouvelle loi de bioéthique ne bouleverse pas la donne ; aucune grande nouveauté au menu. Les revendications concernant notamment le recours aux mères porteuses ne sont pas satisfaites.

Me BUFFLER : effectivement, la gestation pour autrui n’est toujours pas autorisée en France. A tort ou à raison, les parlementaires ont estimé que le risque d’une marchandisation du corps humain était trop importante, l’interdiction de tout recours à une mère porteuse devant dès lors être maintenue.

Mme VIAL : cela n’est toutefois pas sans poser des difficultés, non ? notamment pour les enfants de parents français nés de mères porteuse américaines.

Me BUFFLER : tout à fait. Le problème s’est notamment posé pour un couple de français dont les 2 filles jumelles sont nées au Etats-Unis de mère porteuse.

Au mois d’avril dernier la Cour de Cassation a jugé qu’il était « contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui ».

En français de tous les jours cela veut dire que pour la Cour de Cassation le simple fait d’avoir eu recours à une mère porteuse empêche toute reconnaissance juridique des enfants, même si le recours à une mère porteuse était licite dans l’Etat où la gestation a eu lieu (ce qui est le cas aux Etats-Unis).

Mme VIAL : quelles sont les conséquences pour les enfants ? pour les parents ?

Me BUFFLER : les conséquences sont dramatiques : à l’état civil français ces enfants n’existent pas, leur lien de filiation avec leurs parents n’est pas reconnu, au mépris de l’état civil américain où sont nés ces enfants.

Cela signifie notamment que ces enfants ne peuvent avoir de carte d’identité française, ne peuvent hériter de leurs parents selon le droit français,… A l’égard des autorités françaises, ce sont des étrangers installés en France, sans parents.

Cette décision n’est bien évidemment pas satisfaisante. L’intérêt supérieur de ces enfants était de voir reconnaitre leur lien de filiation par les autorités françaises.

Moralement on peut estimer que la gestation pour autrui n’est pas une pratique acceptable en France, comme par exemple la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels, sans pour autant sanctionner les enfants nés par ces biais. Le prix juridique à payer pour ces enfants, au titre de pratiques dont ils ne sont nullement responsables, est beaucoup trop lourd.

L’avocat général de la Cour de Cassation avait d’ailleurs préconisé la reconnaissance de ces enfants par l’état civil français.

Mme VIAL : y a -t-il une solution ?

Me BUFFLER : oui, il faut saisir la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui se trouve à Strasbourg. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme affirme notamment le droit au respect de la vie familiale. Il y a à mon sens des chances sérieuses que la CEDH sanctionne la position des juridictions françaises. Réponse dans 2 ans.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Garde à vue en matière de terrorisme : la déclaration de guerre du gouvernement aux avocats

En dépit des très vives protestations exprimées par le Barreau par la voix notamment de ses instances représentatives, le gouvernement est resté inflexible : le décret n°2011-1520 du 14 novembre relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme est paru au J.O. du 15 novembre.

N’ayons pas peur des mots : ce texte est une honte et une véritable déclaration de guerre faite aux avocats, notamment dans le contexte plus général de la place de l’avocat en garde à vue. On croyait avoir tout vu en matière de suspicion à l’égard de notre profession avec le décret anti-blanchiment du 26 juin 2006, d’ailleurs partiellement annulé par le Conseil d’Etat… Pourtant une telle défiance à l’égard des avocats, matérialisée dans un texte réglementaire, est sans précédent.

Rappelons que ce texte – d’ores et déjà mort-né et qui prendra rapidement place au Panthéon des « décrets scélérats » – a été adopté sur le fondement de l’article 706-88-2 du CPP issu de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, qui prévoit que le JLD ou le juge d’instruction peuvent, si une personne est gardée à vue pour des faits de terrorisme, décider que cette personne sera assistée par « un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’Ordre de chaque barreau ».

Le décret du 14 novembre précise les modalités d’établissement de la liste des avocats pouvant être désignés pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Ne pourront figurer sur la liste que les avocats inscrits au tableau depuis plus de cinq ans, ce qui en soi est une mesure de défiance et une discrimination à l’égard des Jeunes Avocats.

Chaque conseil de l’Ordre est supposé transmettre au CNB les noms des avocats proposés au moins deux mois avant la fin de l’année civile. Le nombre des avocats proposés par chaque barreau ne peut ni excéder 10 % du nombre des avocats inscrits au tableau ni être inférieur à trois. Un conseil de l’Ordre pourra demander au ministre de la justice une dérogation, pour obtenir un seuil maximal supérieur, fondée sur les « spécificités du contentieux pénal local ».

A partir des éléments qui lui seront parvenus, il appartiendrait au bureau du Conseil national des barreaux d’arrêter la liste nationale des avocats habilités pour une durée de trois ans et de la communiquer avant le début de l’année civile à l’ensemble des bâtonniers et des chefs de juridiction.

L’article 2 du décret du 14 novembre 2011 prévoit, au titre de la période transitoire, que la première habilitation des avocats inscrits sur la liste prend effet du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014. Chaque conseil de l’Ordre est supposé transmettre au Conseil national les noms des avocats proposés avant le 31 janvier 2012. Il appartiendrait ensuite au Conseil national de diffuser la liste nationale avant le 31 mars 2012.

La FNUJA appelle la profession, le CNB et l’ensemble des Conseils de l’Ordre à la résistance face à de telles dispositions qui contreviennent au principe du libre choix de l’avocat et posent en germe un exercice discriminatoire de la profession d’avocat.

Les Jeunes Avocats mèneront tous recours contre la totalité des dispositions critiquées.

COMMUNIQUE DE LA FNUJA 17 Novembre 2011