Archive dans février 2012

Le Conseil Consitutionnel déclare non conforme la liste spéciale d’avocats en matière de terrorisme

L’article 16 de la loi n°2011-392 du 14 avril 2011 a institué dans notre code de procédure pénale un nouvel article 706-88-2, lequel disposait jusqu’à aujourd’hui:

« Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée au 11° de l’article 706-73 [soit en matière de terrorisme], le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l’officier de police judiciaire, ou le juge d’instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d’une instruction, peut décider que la personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités, établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’ordre de chaque barreau. »

Ainsi, en matière de terrorisme, la personne gardée à vue pouvait se voir désigner son avocat.

Par décision de ce jour, le Conseil Constitutionnel a déclaré non conforme cette nouvelle disposition du code de procédure pénale.

Dans un premier temps du raisonnement, le Conseil constitutionnel a jugé que « la liberté, pour la personne soupçonnée, de choisir son avocat peut, à titre exceptionnel, être différée pendant la durée de sa garde à vue afin de ne pas compromettre la recherche des auteurs de crimes et délits en matière de terrorisme ou de garantir la sécurité des personnes » (cons. 7). Une telle atteinte, dont le Conseil souligne qu’elle ne peut intervenir qu’à titre « exceptionnel », n’est donc pas, par elle-même, contraire à la Constitution. Le Conseil précise toutefois qu’il « incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d’exercice des droits de la défense peut-être mise en oeuvre » (cons. 7).

C’est sur ce point que le Conseil constitutionnel constate un cas d’incompétence négative, en relevant que « les dispositions contestées se bornent à prévoir, pour une catégorie d’infractions, que le juge peut décider que la personne gardée à vue sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats sur une liste d’avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur proposition des conseils de l’ordre de chaque barreau ». Le Conseil relève une double insuffisance de la loi en ce que ces dispositions « n’obligent pas à motiver la décision ni ne définissent les circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction et les raisons permettant d’imposer une telle restriction aux droits de la défense » (cons. 7).

Au regard de ces éléments, le Conseil constitutionnel a estimé « qu’en adoptant les dispositions contestées sans encadrer le pouvoir donné au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions qui portent atteinte aux droits de la défense » (cons. 7).

Commentaire de la décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012, page 10

Les nouvelles taxes de 150 euros et 35 euros transmises au Conseil Constitutionnel pour avis

Le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique a institué 2 nouvelles taxes :

– un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel,

– une contribution pour l’aide juridique de 35 euros par instance introduite devant les juridictions judiciaires ou administratives,

les 2 se cumulant en appel (sauf exception), soit un surcoût 185 euros pour le justiciable en appel.

Ce décret a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil d’Etat a accepté par décision du 3 février (ci-dessous) de transmettre au Conseil Constitutionnel. Ces nouvelles taxes sont en effet « susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »

Commenter et motiver une décision de justice

Chronique janvier 2012

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le 15 décembre dernier J. CHIRAC, ancien Président de la République, a été condamné a deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris. Beaucoup d’hommes politiques ont refusé de donner leur sentiment au sujet de cette condamnation au motif qu’il serait d’usage de ne pas commenter les décisions de justice. Est-il vrai qu’il est interdit de commenter les décisions de justice en France ?

Me BUFFLER : pas du tout ! Il est parfaitement autorisé de commenter les décisions de justice en France. Aucun texte ne l’interdit. Cela est même nécessaire. La justice est rendues par les hommes et l’homme est faillible.

Les revues juridiques à destination des professionnels du droit ne font d’ailleurs que çà à longueur de pages : analyser, commenter, et si besoin critiquer, les décisions rendues par les juridictions françaises et européennes, et notamment celles de nos plus éminentes juridictions, Cour de Cassation et Conseil d’Etat.

Mme VIAL : mais alors d’où vient cette ritournelle relative à la prétendue impossibilité de commenter les décisions de justice ?

Me BUFFLER : d’une confusion. On peut parfaitement commenter une décision de justice ; par contre il ne faut pas, logiquement, tomber dans l’outrance.

L’infraction que sanctionne le Code pénal (article 434-25) sont les commentaires dont le but est de jeter publiquement le discrédit sur la décision rendue de manière à porter atteinte à l’autorité ou à l’indépendance de la justice. Ce texte est très restrictif et ne muselle en rien nos hommes politiques.

Les tribunaux ne s’y sont pas trompés puisque les cas de condamnation sont rares, et les tribunaux ne sanctionnent des comportements outranciers qu’après avoir rappelé qu’aucune décision de justice ne saurait échapper à une critique normale.

Un exemple de condamnation : un avocat avait accusé un jury de cour d’assises de s’être abandonné à des considérations d’ordre raciste dans son verdict.

Mme VIAL : en matière de décision de justice, il semblerait qu’à compter de 2012 les cours d’assises doivent dorénavant motiver leurs décisions. Qu’est ce que cela signifie ?

Me BUFFLER : eh bien, jusqu’à aujourd’hui, à la question « l’accusé est-il coupable des faits, graves, qui lui sont reprochés ? », le jury d’assises répondait simplement par oui ou par non. Pas un mot de plus. Ainsi, une personne se retrouvait condamnée à 10 ou 20 ans d’emprisonnement, voire à perpétuité, sans connaître les principales raisons qui ont convaincu la cour d’assises de sa culpabilité. Cela était pour le moins choquant. Tout justiciable a le droit de savoir comment ceux qui l’ont jugé ont pris leur décision.

Cette absence d’explications tenait au fait que les jurés d’assises se prononcent en fonction de leur « intime conviction », c’est-à-dire que la loi ne leur demande pas compte des moyens par lesquels ils se sont convaincus de la culpabilité de l’accusé, elle n’impose pas de règles ; elle leur prescrit uniquement de chercher dans la sincérité de leur conscience quelle impression ont fait sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense.

Mme VIAL : les jurés n’avaient donc pas de comptes à rendre, ils pouvaient juger comme ils le voulaient sans devoir se justifier.

Me BUFFLER : exactement, et l’on perçoit tout de suite le risque : uns condamnation à « l’humeur », au « feeling », même si les preuves sont insuffisantes.

Obliger les jurés d’assises à motiver leur décision au moins un minimum va les contraindre à clarifier leurs idées, à faire le tri dans les arguments des parties et à bâtir au moins dans ses grandes lignes un raisonnement logique expliquant la décision finale.

C’est tout de même le moins que l’on pouvait exiger d’une juridiction qui prononce les peines pénales les plus lourdes.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage.

Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE)

Le DPE évalue la quantité d’énergie consommée par un logement et lui attribue un classement (de A à G) en fonction de la quantité d’énergie et de gaz à effets de serre nécessaires à son chauffage.

Le DPE est réalisé par un diagnostiqueur, en tenant compte:

– soit des caractéristiques du logement (matériaux utilisés, caractéristiques thermiques, moyen de chauffage, production d’eau chaude, …),

– soit, s’il s’agit d’un bien immobilier très ancien, de locaux professionnels ou d’une copropriété avec chauffage collectif, des factures de consommation.

En imposant aux bailleurs et vendeurs d’un bien immobilier la remise d’un DPE à leurs locataires et acquéreurs, le législateur a poursuivi 3 objectifs :

– informer l’acquéreur et le futur locataire quant à la consommation énergétique du bien visé et leur permettre une comparaison aisée entre les différents logements sur le marché ;

– sensibiliser les occupants quant aux économies d’énergie ;

– favoriser la réalisation de travaux de rénovation énergétique.

La loi du 12 juillet 2010, dite « Grenelle de l’environnement » 2, a rendu obligatoire l’indication du classement de performance énergétique dans les annonces publiées dans la presse, sur internet ou dans les vitrines des agences immobilières.

En outre, ce DPE doit être obligatoirement remis au locataire à la signature du bail et à l’acquéreur à la signature du compromis de vente.

Question : quelles sont les conséquences pour le bailleur ou le vendeur si la consommation énergétique du bien vendu ou loué s’avère plus élevée que celle indiquée dans le DPE ?

L’article L 271-4 du Code de la Construction de de l’Habitation (CCH) est clair : « L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative ». Ainsi, l’acquéreur (et le locataire selon l’article L 134-3-1 du CCH) ne peut se retourner contre son vendeur (ou bailleur).

Par contre la responsabilité du diagnostiqueur peut être recherchée par l’acquéreur (ou le locataire). Ainsi, dans un jugement du 7 avril 2011, le TGI de Paris a condamné le diagnostiqueur à verser 40 000 euros de dommages et intérêts à l’acquéreur au titre d’un bien classé C alors qu’il aurait dû être classé G.

Prudence donc pour les diagnostiqueurs.

Le problème est que souvent les propriétaires, pour pouvoir louer ou vendre leur bien plus facilement, ont tendance à mettre la pression sur leur diagnostiqueur afin d’obtenir une « bonne note » au titre du DPE. Aux diagnostiqueurs de résister.

En tout état de cause, les assurances responsabilité civile professionnelle ont entendu rappeler aux diagnostiqueurs que celles-ci ne garantissent jamais les fautes intentionnelles, ce qui signifie qu’en cas de DPE volontairement complaisant, l’assurance ne couvrira pas le sinsitre, et ce alors même que les sommes en jeu peuvent être importantes.