Archive dans décembre 2012

L’allemand n’est pas la langue de la République

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012 par le Conseil d’État (décision n° 360487 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’obligation faite aux artisans d’Alsace Moselle de s’affilier à une corporation.

Par sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 le Conseil constitutionnel a répondu que cette obligation était contraire à la Constitution car constituant une atteinte à la liberté d’entreprendre.

Le Conseil constitutionnel ne s’est toutefois pas arrêté là. Il a par ailleurs entendu préciser que les dispositions contestées du code des professions d’Alsace Moselle, rédigées en allemand, n’ont jamais donné lieu à la publication d’une traduction officielle en français, alors même que :

– les lois du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l’avaient prévu,

– selon l’article 2 de la Constitution « la langue de la République est le français »,

– l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi est un objectif de valeur constitutionnelle en vertu des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789.

Dans la mesure où l’obligation faite aux artisans d’Alsace Moselle de s’affilier à une corporation était d’ores et déjà contraire à la Constitution car portant atteinte à la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel n’a pas entendu s’étendre sur ce 2e chef d’inconstitutionnalité. Mais la menace d’inconstitutionnalité plane pour toutes les dispositions du droit local alsacien-mosellan qui n’auraient pas fait l’objet d’une traduction officielle.

Or, ces traductions officielles sont bien souvent inexistantes, avocats, juristes et magistrats se basant sur des traductions officieuses.

Il y a de toute urgence un travail de publication (si ce n’est de traduction) à effectuer si l’on ne veut pas voir le droit local disparaitre.

Convention d’honoraires en matière de divorce

A compter du 1er janvier 2013, en application de l’article 14 de la loi du 13 décembre 2011 modifiant l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, « l’avocat est tenu de conclure avec son client une convention d’honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans. »

A cet égard, le 15 septembre 2012 le Conseil National des Barreaux (CNB) a adopté une motion affirmant son opposition aux barèmes d’honoraires dans toutes les procédures de divorce, demandant en conséquence l’abrogation des dispositions prévoyant la publication de barèmes indicatifs d’honoraires, ajoutant que si ces barèmes devaient voir le jour malgré l’opposition de la profession, le CNB exercera tout recours utile contre les textes publiant de tels barèmes.

Le CNB s’est à toute fin refusé de transmettre un avis susceptible de permettre l’instauration d’un barème indicatif.

Le CNB a estimé que si l’avocat est tenu de répondre, en toutes matières à la demande d’information légitime du client en assurant la transparence et la prévisibilité de ses honoraires, l’établissement d’une convention d’honoraires constituant à cet égard une garantie efficace, il n’en reste pas moins que :

– le principe de la liberté contractuelle pour la fixation des honoraires des avocats en toutes matières,

– la spécificité et la complexité des affaires,

– la diversité géographique des structures d’exercice et des activités des avocats,

rendent impossible l’élaboration d’un barème.

Ainsi, si l’établissement d’une convention d’honoraires devient obligatoire (et était jusque là fortement recommandée), l’application d’un barème n’est pas pour aujourd’hui.

L’obligation pour les artisans d’Alsace-Moselle de s’affilier à une corporation est contraire à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012 par le Conseil d’État (décision n° 360487 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 100 f et du troisième alinéa de l’article 100 s du code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (Gewerbeordnung).

Dans sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution.

Explication :

Le code des professions applicable en Alsace-Moselle est un héritage du droit allemand antérieur à 1918 quand l’Alsace-Moselle était sous administration allemande. Il est un des pans du « droit local » alsacien-mosellan.

Selon ce code, tout artisan qui désire s’établir en Alsace-Moselle a l’obligation de s’affilier à la corporation d’artisans qui correspond à son activité, quand elle existe. Evidemment cette affiliation n’est pas gratuite.

Par sa décision du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que cette affiliation obligatoire constituait une atteinte à la liberté d’entreprendre inscrite à l’article 4 de la Déclaration de 1789.

Le Conseil constitutionnel a notamment précisé que si l’existence de corporations n’est pas en elle-même contraire à la liberté d’entreprendre, encore faut-il que « leur existence soit justifiée par un motif d’intérêt général et les restrictions à l’exercice de la profession proportionnées à l’objectif poursuivi. »

Or, en l’espèce, « si l’adhésion d’office à une corporation ne conditionne pas l’exercice de la profession, le cadre corporatiste qu’elle impose entraîne nécessairement une restriction des modalités de l’exercice de la profession. Cette restriction consiste :

– outre l’obligation de s’acquitter de cotisations,

– d’une part, dans l’obligation d’adhérer à une démarche corporatiste (la corporation ayant la faculté d’imposer à ses membres des obligations en lien avec ses missions et le pouvoir d’infliger des sanctions disciplinaires en cas de manquement aux dispositions statutaires) et,

– d’autre part, dans le droit de regard que la corporation peut exercer sur la pratique professionnelle. L’article 94 c prévoit en effet un pouvoir de visite et de contrôle des délégués dûment mandatés de la corporation. Si aucun véritable pouvoir disciplinaire n’est attaché à ce droit d’inspection, il en résulte néanmoins une restriction de la liberté d’exercice de sa profession, ne serait-ce que par l’atteinte au secret professionnel qui en résulte. »

La déclaration d’inconstitutionnalité des articles 100 f et 100 s du code des professions d’Alsace-Moselle est d’effet immédiat. Ainsi, dès aujourd’hui tout artisan alsacien mosellan est en droit de cesser de verser son obole à sa corporation.

Les corporations vont-elles y survivre ? Leur source de financement étant amenée à se tarir rapidement, on peut en douter. Surtout, les corporations étant jugées contraires aux droits les plus fondamentaux, qu’est-ce qui interdirait un artisan de solliciter le remboursement des sommes versées par le passé ? Cette menace est encore plus dangereuse pour les corporations qu’un tarissement des cotisations.

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La décision est consultable à l’adresse suivante : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/l…