Téléréalité et contrat de travail

Téléréalité et contrat de travail

Chronique mars 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, il y a peu la plus haute juridiction française a jugé que le fait de participer à une émission de télé-réalité comme « L’île de la tentation » s’assimile à un travail. Comment le fait de se dorer la pilule pendant 2 semaines et se faire draguer par de jeunes bellâtres sur des plages paradisiaques peut être assimilé à un travail ?

Me BUFFLER : en fait pour répondre à votre question il faut en revenir à la définition du contrat de travail.

La cour de cassation estime que pour qu’il y ait contrat de travail, il faut que 3 conditions soient réunies : un lien de subordination entre l’employeur présumé et le salarié, une prestation de travail et une rémunération. Si ces 3 conditions sont remplies il y contrat de travail avec une rémunération obligatoire à la clé, minimum le SMIC.

De ces 3 conditions, la condition la plus importante est l’existence d’un lien de subordination, c’est-à-dire que pour qu’il y ait salariat encore faut-il que le salarié soit soumis au pouvoir de direction de l’employeur qui lui donne des directives (horaires, tâches à accomplir, etc).

Dans le cas de « L’île de la tentation », les 3 conditions posaient problème.

Mme VIAL : en effet, en premier lieu, en quoi les candidats de « L’île de la tentation » effectuaient-ils une prestation de travail ?

Me BUFFLER : la réponse à cette question n’est pas évidente puisque selon les conseils des prud’hommes saisis par les ex-candidats la réponse a été différente.

Certains conseils des prud’hommes n’ont vu dans « L’île de la tentation » que de jeunes écervelés à qui TF1 payait 2 semaines de vacances pour aller s’exhiber sur des plages paradisiaques.

Par contre, pour d’autres CPH, les candidats avaient un vrai rôle de composition devant les caméras, les assimilant à des acteurs qui, comme tout travailleur, ont droit à une rémunération.

Mais le point le plus important était l’existence ou non d’un lien de subordination. Les candidats étaient-ils totalement libres de leurs mouvements ou étaient-ils soumis à des contraintes telles que cela puisse s’analyser à un lien de subordination.

Mme VIAL : et donc ?

Me BUFFLER : eh bien la cour de cassation s’est référée au règlement imposé aux participants lequel obligeait les candidats à prendre part aux différentes activités et réunions, à suivre les règles du programme définies par le producteur, à répéter certaines scènes, à respecter les heures de réveil et de sommeil , etc, toute infraction étant sanctionnée par le renvoi.

Au vu de l’ensemble de ces contraintes, la cour de cassation a estimé qu’il y avait bien lien de subordination.

Le règlement des participants a dès lors été requalifié en contrat de travail à durée déterminée avec versements de l’ensemble des salaires impayés à la clé, pour des sommes relativement importantes puisque les candidats salariés travaillaient nuits et jours.

Très honnêtement au vu des règles régissant le contrat de travail, on peut difficilement donner tort à la cour de cassation.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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