La faillite civile

La faillite civile

Chronique novembre 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, il y a quelques semaines nous apprenions que Jérôme KERVIEL, ancien trader de la Société Générale, était condamné à 5 ans de prison dont 2 avec sursis et surtout à 4,9 milliards d’euro de dommages et intérêts au bénéfice de la Société Générale.

Sur le fond beaucoup de choses ont d’ores et déjà été dites. En tout cas, ce qui est certain est que le montant des dommages et intérêts alloués à la Société Générale est absolument faramineux.

Au vu de ce montant, Jérôme KERVIEL est-il condamné à rembourser la Société Générale jusqu’à sa mort ?

Me BUFFLER : sauf geste de mansuétude de la Société Générale, je crains malheureusement que oui.

En effet, s’il est évident que M. KERVIEL n’arrivera jamais à rembourser de son vivant la Société Générale, il ne peut pas pour autant bénéficier des mesures de surendettement mise en place depuis 2003.

Il faut savoir en effet que les dettes d’origine pénale, comme c’est le cas pour M. KERVIEL, sont radicalement exclues de tout étalement, ou effacement, dans la cadre de la saisine de la commission de surendettement.

Ainsi, tout ce qui est amendes et dommages et intérêts alloués aux victimes restent à jamais dus.

Mme VIAL : n’y a-t-il aucune dérogation ?

Me BUFFLER : non. Par contre, si Jérôme KERVIEL était domicilié en Alsace-Moselle, celui-ci pourrait bénéficier du régime de la faillite civile de notre droit local.

Il faut savoir à cet égard que le régime du surendettement mis en place dans le reste de la France en 2003 est directement inspiré de notre régime de la faillite civile de droit local qui date de plus de 100 ans.

Or, les 2 régimes (surendettement / faillite civile) ne sont pas strictement identiques, et en Alsace-Moselle les 2 procédures existent concurremment.

Ainsi, une personne surendettée habitant dans l’un des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle a le choix entre la procédure de faillite civile et la procédure de surendettement.

L’intérêt pour une personne comme Jérôme KERVIEL serait d’opter pour le régime de droit local lequel n’exclut pas par principe de l’étalement, ou de l’effacement, les dettes d’origine pénale.

Il ne reste donc plus à Jérôme KERVIEL qu’à déménager en Alsace-Moselle, sachant que le domicile pris en compte est celui à la date du jugement et non celui au jour où l’insolvabilité notoire est acquise.

Mme VIAL : si néanmoins Jérôme KERVIEL devait se refuser à rejoindre notre belle région, il lui faudra 170 000 ans – à raison de 30 000 euros annuels – pour solder sa dette. Est-ce que ses enfants, puis ses petits-enfants, puis ses arrières petits-enfants, etc seront condamnés à rembourser sa dette ?

Me BUFFLER : non. En fait il faut savoir que seul le débiteur d’une dette en est directement redevable, et celle-ci ne se transmet pas de parents à enfants. Ainsi, au décès de M. KERVIEL sa dette s’éteindra.

Le seul cas où sa dette se transmettrait à ses héritiers est la cas où M. KERVIEL se serait constitué un patrimoine. En acceptant sa succession, ses héritiers devront payer sa dette. Toutefois, je ne pense que ses héritiers soient assez inconscients pour accepter une telle succession. Surtout, je ne vois pas comment M. KERVIEL va pouvoir se constituer un patrimoine de son vivant sachant que toute rentrée d’argent sera appréhendée par la Société Générale, seul le minimum vital lui étant laissé.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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