Archive dans 2010

Toni Musulin

Chronique janvier 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme WEIBEL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme WEIBEL : Me BUFFLER, il y a peu certains médias nous ont indiqué que Toni MUSULIN, convoyeur de fonds mis en cause pour le vol de près de 2 millions d’euros à Lyon, risquait au maximum 3 ans de prison. Est-ce vrai ? Comment cela est-il possible alors même que c’est une des sommes les plus importantes volée en France ?

Me BUFFLER : juridiquement le vol se définit comme la soustraction frauduleuse d’un bien appartenant à autrui.

Ainsi, si un ami vous remet de l’argent à charge pour vous de lui rendre, si vous ne vous exécutez pas et gardez l’argent pour vous, ce n’est pas un vol mais un abus de confiance puisqu’il n’y a pas eu soustraction frauduleuse mais remise volontaire.

Dans les faits, l’abus de confiance, est sanctionné de la même manière que le vol, à savoir que le responsable encourt 3 ans de prison ferme. Ces 3 ans sont un maximum, ce n’est pas la peine qui est automatiquement prononcée. C’est là où l’avocat a son rôle à jouer en expliquant aux juges que 3 ans avec sursis, 6 mois fermes, voire la mise hors de cause, s’imposent.

Dans le cas de Toni MUSULIN, il y a clairement eu soustraction frauduleuse. Les faits pour lesquels il est poursuivi constituent donc bien un vol.

Le vol simple – c’est-à-dire sans violence, sans dégradation, seul – est effectivement puni au maximum de 3 ans de prison ferme. Par contre si Toni MUSULIN avait eu des complices ou commis des dégradations, voire les 2, il aurait encouru une peine de 5 ans, voire 7 ans, de prison ferme.

Le fait qu’il ait volé 2 millions d’euros ou 20 euros n’a absolument aucune influence sur la qualification des faits et les textes applicables.

Ainsi, aussi anormal que cela puisse paraître, 2 gamins de 18 ans qui volent un jeu vidéo dans un supermarché encourent effectivement une peine plus lourde (5 ans puisqu’ils sont 2, voire 7 ans s’ils ont cassé l’antivol) que Toni MUSULIN.

Mme WEIBEL : le fait que Toni MUSULIN a apparemment volé 2 millions d’euros n’a ainsi aucune influence sur la peine ?

Me BUFFLER : si, bien sûr. Entre une personne qui a volé un scooter et une personne qui a volé 2 millions d’euros, surtout si l’argent n’a pas été retrouvé, il est bien évident que dans le 2e cas la peine prononcée se rapprochera au plus près du maximum de 3 ans fermes, alors que dans le 1er cas une peine de prison de quelques mois assortie du sursis sera a priori amplement suffisante.

Mme WEIBEL : par ailleurs, Toni MUSULIN s’est volontairement rendu à la police. Or, il semblerait qu’il doive obligatoirement être libéré dans les 4 mois de son incarcération provisoire si son procès n’a pas lieu d’ici là… Est-ce vrai ?

Me BUFFLER : oui, en effet, en matière de délit, la détention provisoire ne peut excéder 4 mois si la personne mise en cause n’a jamais été condamnée par le passé et si elle encourt un maximum de moins de 5 ans de prison, ce qui semble être le cas de Toni MUSULIN. Ainsi, quand bien même Toni MUSELIN devrait rester muet dans les semaines et mois qui viennent, dans tous les cas il devra être remis en liberté au bout de 4 mois dans l’attente de son procès où il risque, pour ce qui est du vol, au maximum 3 ans fermes.

Mme WEIBEL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Perquisition et mandat

Chronique janvier 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme WEIBEL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme WEIBEL : Me BUFFLER, dans toute série télévisée américaine les personnes refusent que les policiers pénètrent dans leur maison pour la fouiller sauf à ce que les services de police soient munis d’un mandat de perquisition. Qu’en est-il en France ? La police ou la gendarmerie doit-elle également justifier d’un tel mandat pour fouiller une maison ou un appartement ?

Me BUFFLER : en fait, en France, ce mandat de perquisition n’existe pas. Suivant la procédure, la police ou la gendarmerie française a 2 possibilités.

En cas d’enquête de flagrance, pour simplifier, dans les quinze jours qui suivent la commission d’un crime ou d’un délit, l’officier de police peut perquisitionner tout lieu utile à son enquête sans avoir à justifier de la moindre autorisation. Il en est de même si les services de police ou de gendarmerie travaillent sur instructions du juge d’instruction qui a leur remis une commission rogatoire

A l’inverse, hors flagrant délit, la perquisition d’un domicile n’est possible qu’avec l’accord écrit de la personne. Toutefois, en cas de terrorisme, stupéfiants, trafic d’armes, et plus généralement toute infraction punie d’au moins 5 ans de prison, cette autorisation n’est pas nécessaire si un juge l’en a dispensé.

Dans tous les cas, c’est-à-dire en cas de flagrance ou d’enquête préliminaire, il faut que la personne chez qui la perquisition a lieu soit présente. Si ce n’est pas possible, la perquisition doit se faire en présence de son représentant ou, au pire, de 2 témoins.

Toute perquisition doit faire au final l’objet d’un procès verbal signé par les personnes présentes. A défaut, la perquisition est nulle.

Mme WEIBEL : qu’en est-il des horaires ? On dit souvent que la police ne peut pas entrer dans un domicile avant 6h. Est-ce vrai ?

Me BUFFLER : oui, c’est exact. Aucune perquisition ne peut pas avoir lieu entre 21h et 6h. Mais attention, ce qui compte est l’heure de début de la perquisition. Par exemple, si une perquisition commence à 20h elle peut durer sans souci jusqu’à 23h.

Par exception des perquisitions de nuit sont possibles. Ainsi en est-il des lieux ouverts au public tels les cafés et lieux de spectacles.

Mme WEIBEL : enfin qu’en est-il de la confidentialité ? Est-ce que l’on peut perquisitionner un cabinet d’avocats ou de médecins et ouvrir leurs dossiers ?

Me BUFFLER : pour les cabinets de médecins, avocats, notaires, huissiers, seul un juge, et non un officier de police, peut procéder à la perquisition. En outre, cette perquisition doit obligatoirement être faite en présence d’un représentant de l’ordre ou de l’organisation professionnelle concernée (un représentant de l’ordre des médecins ou de la chambre des notaires par exemple).

Seuls les documents directement en rapport avec les infractions reprochées au professionnel peuvent être saisis.

Mme WEIBEL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvelle chromique juridique.

Le rappel à la loi

Chronique janvier 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme WEIBEL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme WEIBEL : Me BUFFLER, il y a peu les médias nous ont indiqué que Julien DRAY, figure nationale du PS, ne serait pas poursuivi pour des détournements de fonds mais ferait l’objet d’un rappel à la loi. Qu’est ce que ce « rappel à la loi » ?

Me BUFFLER : le rappel à la loi constitue en un simple avertissement. La personne mise en cause est convoquée devant le délégué du procureur, c’est-à-dire devant un officier de police judiciaire ou toute personne qualifiée. Généralement c’est un ancien commissaire de police.

Devant le délégué du procureur, une discussion a lieu avec la personne convoquée. Elle est entendue sur les faits qui lui sont reprochés ; on lui lit les textes des infractions qui ont été commises ; elle est informée des peines prévues.

Le but est de faire comprendre à la personne convoquée la portée de ses actes en l’invitant fermement à ne plus jamais recommencer.

Contrairement à ce que les médias et les amis de Julien DRAY semblent laisser entendre, le rappel à la loi n’est en rien une absolution. La personne convoquée est bien coupable des faits qui lui sont reprochés. Simplement, compte tenu du peu de gravité des faits et des circonstances qui l’entourent, le procureur de la République estime qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer la personne devant un tribunal, un simple rappel à l’ordre devant suffire.

Mme WEIBEL : ce rappel à la loi est-il inscrit sur le casier judiciaire de la personne mise en cause ?

Me BUFFLER : non. Le rappel à la loi n’est pas inscrit sur le casier judiciaire. Par contre, il en reste toujours une trace dans le fichier du procureur et des services de police. Ainsi, si la personne qui a fait l’objet d’un rappel à la loi se tient à carreau et ne commet plus d’infraction, elle ne sera plus inquiétée. Par contre, si elle fait de nouveau défavorablement parler d’elle, le procureur de la République ressortira l’ancienne affaire et sera plus sévère puisque le rappel à l’ordre effectué précédemment a manifestement été sans effet.

Si la personne est coupable, le rappel à la loi est donc une chance à saisir. C’est clairement une mesure de faveur qui permet d’éviter l’épreuve du jugement et la condamnation qui en découle.

Elle s’adresse essentiellement aux mineurs que se font pincer pour la 1ère fois, mais pas seulement. Le cas de Julien DRAY démontre que le rappel à la loi s’adresse également aux majeurs.

Cette mesure est d’ailleurs efficace puisque moins de 10% des mineurs qui ont fait l’objet d’un rappel à la loi commettent une nouvelle infraction, ce qui démontre à l’évidence que discussion et explication peuvent être aussi efficaces, voire plus, que la répression et la sanction.

Mme WEIBEL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.