La réforme du surendettement

La réforme du surendettement

Chronique janvier 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le 11 janvier 2011 un sexagénaire surendetté a tué sa mère, sa femme et sa fille avant de se suicider. Le tueur a expliqué son geste par des dettes issues de prêts à la consommation pour un montant de «plusieurs milliers d’euros». Pourtant, fin juillet, une loi réformant le surendettement a été adoptée. Cette loi n’a t-elle rien changé en la matière ?

Me BUFFLER : les nouveauté de cette loi sont multiples et applicables depuis novembre dernier. Les modifications les plus notoires sont :

Premièrement, la suspension automatique des mesures d’exécution à la recevabilité du dossier de surendettement par la Banque de France.

Cela signifie qu’à partir du moment où la Banque de France, où vous devez déposer votre dossier de surendettement, vous notifie la recevabilité de votre dossier (càd que toutes les pièces justificatives ont été produites, votre bonne foi n’a pas été remise en cause et le montant de vos dettes est effectivement inquiétant), plus aucun créancier ne peut chercher à saisir vos comptes bancaires, votre voiture ou votre maison. Votre patrimoine est gelé jusqu’à l’adoption définitive du plan de rétablissement ou de remboursement.

Auparavant, il fallait saisir le juge pour solliciter une telle suspension des poursuites.

Deuxièmement la durée d’inscription au Fichier national des Incidents de Crédits passe de 8 à 5 ans suite à une procédure de rétablissement personnel et de 10 à 5 ans dans le cas d’un plan de remboursement.

Enfin, l’accès à la procédure de surendettement n’est plus fermée aux propriétaires surendettés. En effet, auparavant, si une personne surendettée était propriétaire, elle devait d’abord vendre sa maison pour payer ses créanciers, et c’était seulement si le prix de vente de la maison ne permettait pas de solder la totalité des dettes que la personne surendettée pouvait saisir la Banque de France au titre du reliquat de ses dettes.

Pour autant, les nouveautés en matière de crédits à la consommation et de crédits revolving qui sont généralement à l’origine de beaucoup de situation de surendettement,sont maigres.

Mme VIAL : c’est-à-dire ?

Me BUFFLER : la loi prévoit :

– un encadrement de la publicité avec interdiction des mentions qui suggèrent qu’un crédit améliore la situation financière ou le budget de l’emprunteur, ; l’obligation de faire figurer le taux d’intérêt du crédit dans une taille de caractère plus importante que celle utilisée pour le taux d’intérêt promotionnel ;

– que chaque échéance de crédit renouvelable comprend obligatoirement un amortissement minimum du capital restant dû, ce qui évitera que certains emprunteurs ne paient chaque mois que des intérêts sans que jamais le capital emprunté ne baisse ;

– l’obligation pour les prêteurs de consulter le fichier FICP avant d’accorder un crédit ;

Bref, c’est mieux que rien mais cela ne va pas révolutionner les pratiques des organismes de crédits. L’ensemble des mesures proposées, qui doivent entrer en vigueur en avril/mai 2011, tiennent plus d’une charte de bonne conduite que d’un véritable contrôle.

Mme VIAL : que suggérerez-vous dès lors ?

Me BUFFLER : la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers qui recenserait l’ensemble des crédits souscrits par une personne. Cela éviterait que des personnes n’empruntent plus qu’elle ne peuvent rembourser. Car, actuellement, le contrôle de solvabilité exercé par les organismes de crédit pour des crédits à la consommation est très limité, voire nul.

Cette absence de contrôle s’explique aisément : avec des taux d’intérêt de 15% à 20% ces crédits sont hautement rentables pour les banques. Et si un emprunteur fait parfois défaillance, les intérêts que paient les autres couvrent largement les pertes.

Dans ma pratique professionnelle, mon record a été 17 crédits à la consommation pour un ménage. A peu près tous les organismes de crédit étaient représentés pour une somme globale de 70 000 euros.

Seul un registre positif des crédits souscrits éviterait que certains ménages usent, voire abusent, avec le consentement des organismes de crédit des crédits à la consommation.

Un tel registre existe déjà dans plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Belgique. La France s’y est toujours refusée sous le poids du lobby des banques. Il est grand temps que cela change.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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