Le viol conjugal

Le viol conjugal

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en juin dernier le Collectif féministe contre le viol a lancé une vaste campagne de sensibilisation contre le viol conjugal. Qu’entend-on par  » viol conjugal  » ?

Me BUFFLER : en fait, le viol conjugal n’est pas défini en tant que tel par la loi. Le code pénal définit précisément le viol, qui correspond à « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », et fait du viol au sein du couple une circonstance aggravante.

Ainsi le viol « simple » est puni de 15 ans de réclusion criminelle, alors qu’il est puni de 20 ans lorsqu’il est commis par le conjoint, le concubin ou le PACSé de la victime.

Vous noterez à toute fin que la circonstance aggravante liée au caractère conjugal du viol ne se limite pas aux couples mariés mais s’étend à tous les couples ayant une certaine stabilité, mariés, PACSés ou non.

Mme VIAL : le devoir conjugal n’est dès lors qu’un mythe ?

Me BUFFLER : dans le cadre du mariage, le code civil met à la charge des époux diverses obligations personnelles, plus connues sous le terme de devoirs conjugaux. Parmi ces devoirs conjugaux figure le devoir de cohabitation lequel « a pour raison d’être l’établissement de relations sexuelles normales permettant la procréation ».

Cela dit, il ne faut pas se méprendre : si l’obligation mise à la charge des époux de partager un même toit a pour finalité l’existence de relations charnelles, cela ne signifie pas qu’un conjoint est en droit de s’affranchir du consentement de l’autre époux.

Être marié ne veut pas dire disposer librement du corps de l’autre, ne pas tenir compte de son désir ou de son refus. Le consentement s’impose toujours.

Mme VIAL : que peut dès lors faire le conjoint qui se trouve face à un partenaire qui se dérobe à lui ?

Me BUFFLER : si le couple n’est pas marié, il ne reste plus au partenaire mécontent qu’à partir et trouver son bonheur ailleurs. Pour ce qui est d’un couple marié, 2 solutions : l’annulation du mariage ou le divorce.

Si le conjoint n’a jamais esquissé le moindre projet matrimonial avec son partenaire, ce dernier peut solliciter la nullité du mariage au titre d’une erreur sur une qualité essentielle de la personne du conjoint.

Il peut surtout introduire une procédure de divorce.

Dans tous les cas, se posera toutefois la question de la preuve des manquements reprochés.

Mme VIAL : pour en revenir au consentement, comment en juger ? Les femmes qui vont porter plainte pour viol contre leur époux obtiennent-elles gain de cause ?

Me BUFFLER : c’est bien tout le problème : la charge de la preuve pèse sur la victime puisque en matière de rapports conjugaux, le consentement des époux aux actes sexuels est présumé. C’est ainsi à la victime d’apporter la preuve d’une contrainte.

Statistiquement, peu de viols semblent faire l’objet de plaintes, et même quand il y a plainte, 20% sont apparemment classées sans suite (c’est-à-dire qu’elles finissent à la poubelle), 35% étant requalifiées en agressions sexuelles (c’est-à-dire qu’elles passent de la Cour d’Assises au tribunal correctionnel).

Cela dit, cette présomption se justifie aisément : qu’est-ce que « consentir » lorsque l’on n’aime plus, que l’on se dispute quotidiennement ? tout rapport sexuel imposé ou obtenu avec insistance par un époux auprès d’une épouse qui n’éprouve plus le désir doit-il être considéré comme un viol ?

On en revient à la même problématique qu’en matière de violences psychologiques au sein du couple : comment distinguer la violence des hauts et des bas qui émaillent souvent la vie d’un couple ? Seul un certificat médical détaillé permettra le plus souvent de trancher.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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