La gestation pour autrui

La gestation pour autrui

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en juillet dernier le Parlement a adopté la nouvelle loi sur la bioéthique. Dons d’organes, recherches sur l’embryon, procréation médicalement assistée…, la nouvelle loi de bioéthique ne bouleverse pas la donne ; aucune grande nouveauté au menu. Les revendications concernant notamment le recours aux mères porteuses ne sont pas satisfaites.

Me BUFFLER : effectivement, la gestation pour autrui n’est toujours pas autorisée en France. A tort ou à raison, les parlementaires ont estimé que le risque d’une marchandisation du corps humain était trop importante, l’interdiction de tout recours à une mère porteuse devant dès lors être maintenue.

Mme VIAL : cela n’est toutefois pas sans poser des difficultés, non ? notamment pour les enfants de parents français nés de mères porteuse américaines.

Me BUFFLER : tout à fait. Le problème s’est notamment posé pour un couple de français dont les 2 filles jumelles sont nées au Etats-Unis de mère porteuse.

Au mois d’avril dernier la Cour de Cassation a jugé qu’il était « contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui ».

En français de tous les jours cela veut dire que pour la Cour de Cassation le simple fait d’avoir eu recours à une mère porteuse empêche toute reconnaissance juridique des enfants, même si le recours à une mère porteuse était licite dans l’Etat où la gestation a eu lieu (ce qui est le cas aux Etats-Unis).

Mme VIAL : quelles sont les conséquences pour les enfants ? pour les parents ?

Me BUFFLER : les conséquences sont dramatiques : à l’état civil français ces enfants n’existent pas, leur lien de filiation avec leurs parents n’est pas reconnu, au mépris de l’état civil américain où sont nés ces enfants.

Cela signifie notamment que ces enfants ne peuvent avoir de carte d’identité française, ne peuvent hériter de leurs parents selon le droit français,… A l’égard des autorités françaises, ce sont des étrangers installés en France, sans parents.

Cette décision n’est bien évidemment pas satisfaisante. L’intérêt supérieur de ces enfants était de voir reconnaitre leur lien de filiation par les autorités françaises.

Moralement on peut estimer que la gestation pour autrui n’est pas une pratique acceptable en France, comme par exemple la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels, sans pour autant sanctionner les enfants nés par ces biais. Le prix juridique à payer pour ces enfants, au titre de pratiques dont ils ne sont nullement responsables, est beaucoup trop lourd.

L’avocat général de la Cour de Cassation avait d’ailleurs préconisé la reconnaissance de ces enfants par l’état civil français.

Mme VIAL : y a -t-il une solution ?

Me BUFFLER : oui, il faut saisir la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui se trouve à Strasbourg. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme affirme notamment le droit au respect de la vie familiale. Il y a à mon sens des chances sérieuses que la CEDH sanctionne la position des juridictions françaises. Réponse dans 2 ans.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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