Archive dans décembre 2011

Agent immobilier et vices cachés

Par un arrêt du 3 novembre 2011 la Cour de Cassation a entendu mettre à la charge de l’agent immobilier une responsabilité technique importante puisque celle-ci énonce qu’il « appartient à l’agent immobilier qui prétend vendre un bien immobilier restauré et pourvu d’une toiture neuve de s’assurer de l’absence d’éventuels défauts cachés affectant cette toiture ». La Cour d’Appel qui a affirmé « qu’il n’entrait pas dans la mission d’un agent immobilier de vérifier, au-delà de l’apparence visuelle, le descriptif des annonces qu’il fait publier pour chercher des acheteurs », alors même que les termes de l’annonce vantaient une toiture restaurée, a violé les dispositions de l’article 1382 du Code civil.

Un agent immobilier a ainsi l’obligation de vérifier avec diligence l’exactitude des affirmations portées sur ses annonces.

Le fichier national des empreintes génétiques

Chronique novembre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le 29 octobre nous avons appris que le tribunal correctionnel d’Orléans avait relaxé un faucheur volontaire d’OGM qui était poursuivi pour avoir refusé un prélèvement d’ADN destiné au fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Qu’est ce que ce « fichier national automatisé des empreintes génétiques » ?

Me BUFFLER : Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est le fichier commun à la police et à la gendarmerie qui stocke les traces ADN prélevées sur les délinquants, scènes de crimes et même simples mis en cause.

Il a été crée en 1998 suite à l’affaire Guy George où l’existence d’une banque nationale des empreintes ADN aurait pu à l’époque faciliter l’arrestation du tueur en série.

Son but était de ficher le profil ADN de toutes les personnes impliquées dans des infractions à caractères sexuelles, notamment les pédophiles.

Mme VIAL : pourtant, dans le cadre du procès de ce faucheur volontaire d’OGM d’Orléans on en est loin, non ?

Me BUFFLER : tout à fait, et c’est bien tout le souci de ce fichier. Au départ limités aux crimes sexuels, depuis 1998 il n’a cessé de voir son champ étendu de telle sorte qu’il couvre aujourd’hui près des ¾ des affaires pénales traitées.

Son extension la plus grave a eu lieu dans le cadre de la Loi SARKOZY de 2003 où ce fichier a été non seulement étendu à tous types de délits mais surtout aux simples suspects.

L’extension du fichage est telle que de 2000 personnes fichées en 2002 on est passé à 1 millions 200 000 personnes fin 2009 dont plus de 900 000 correspondent à des personnes simplement suspectées. C’est totalement délirant ; cela représentent 2% de la population française fichée génétiquement. George ORWELL n’est pas loin.

Et ce fichage se fait sans un bruit, petit pas par petit pas, les politiques s’étant bien gardés de lancer un débat national sur le bien fondé de ce fichage rampant de l’ensemble de la population française.

Mme VIAL : ce fichage n’est toutefois que provisoire, non ?

Me BUFFLER : pas vraiment.

Pour ce qui est des simples suspects finalement mis hors de cause, leur empreinte génétique peut être conservée pendant 25 ans. Elles peuvent toutefois demander à être effacée du fichier mais pour cela elles doivent en faire la demande officielle auprès du procureur de la République qui a la possibilité de refuser.

On en arrive ainsi à un système où des personnes à qui l’ont a finalement strictement rien à reprocher restent néanmoins fichées pendant 25 ans sauf à faire une demande officielle de désinscription qui dans l’absolu n’est pas forcément sûre d’aboutir. Je ne vois pas comment cela peut être conforme aux droits et libertés fondamentaux et surtout je ne vois pas comment nos parlementaires ont pu voter une telle horreur juridique.

Pour ce qui est des personnes condamnées, leur empreinte génétique reste enregistrée pendant 40 ans à compter du jour où leur condamnation est devenue définitive. Avec un appel ou un pourvoi en cassation, cela signifie qu’une empreinte peut être conservée près de 50 ans, un fichage à vie qui ne dit pas son nom.

Mme VIAL : n’y a-t-il pas moyen de refuser de se soumettre à un tel prélèvement ?

Me BUFFLER : juridiquement, non. Le refus de se soumettre à un prélèvement génétique pour les personnes mises en cause constitue un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, voire deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si l’auteur est finalement condamné pour crime.

Toutefois, la relaxe de ce faucheur volontaire à Orléans fait naître l’espoir d’une prise de conscience, notamment au sein de la magistrature, que nous sommes en train d’aller trop loin dans le fichage et le contrôle des individus.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Le livre foncier en libre service, sauf pour les avocats !

Le décret n° 2009-1193 du 7 octobre 2009 relatif au livre foncier (propre aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) fixe les modalités de son informatisation et de sa consultation, notamment par les professionnels.

Ainsi son article 7 indique que « dans le ressort d’un bureau foncier, les notaires, les géomètres-experts, les huissiers de justice, les avocats (…) peuvent consulter le livre foncier et le registre des dépôts du chef d’une ou plusieurs personnes individuellement désignées pour savoir si des données concernant celles-ci sont enregistrées. (…). »

Toutefois, sa consultation simple et efficace par internet est limitée aux seuls notaires, géomètres-experts, huissiers de justice, Etat et collectivités territoriales (article 8).

Pourquoi les avocats ont-ils été exclus de cette consulation par internet ?

En tout état de cause, l’Ordre des Avocats de Strasbourg a saisi le Conseil d’Etat afin de faire annuler le décret du 7 octobre 2009 pour rupture d’égalité.

Et que croyez-vous qu’il est advenu ? Eh bien, par décision du 9 décembre 2011 le Conseil d’Etat a jugé que « l’article 8 du décret attaqué n’institue pas une différence de traitement manifestement disproportionnée entre les avocats et les autres professions concernées, les dispositions litigieuses n’ayant en tout état de cause pas pour effet de priver les avocats du droit de consulter les données du livre foncier par d’autres modes de consultation. »

En d’autres termes l’informatisation du livre foncier a bien été menée, sa consulation en est grandement facilitée et il est parfaitement normal que cette avancée technologique soit reservée aux seuls notaires, géomètres-experts ou huissiers de justice. Les avocats continueront à faire comme par le passé : une lettre, un timbre et plusieurs jours d’attente (si ce ne sont pas des semaines).

Il est vrai qu’il aurait été trop simple que toutes les professions du droit puissent bénéficier du même outil.