Le délit de blasphème toujours en vigueur en Alsace Moselle

Le délit de blasphème toujours en vigueur en Alsace Moselle

Depuis la semaine dernière et la publication par le journal CHARLIE HEBDO de plusieurs caricatures tournant en dérision Mahomet, les média ne cessent de nous répéter que le délit de blasphème aurait disparu du territoire français depuis le XVIIIe siècle.

Et bien cela est radicalement faux. Le délit de blasphème est toujours en vigueur en Alsace Moselle.

Contrairement à ce qui est souvent mais faussement affirmé, cette survivance (ou plutôt archaïsme dans notre société française très largement sécularisée) n’est nullement la conséquence du maintien du Concordat de 1801 en Alsace Moselle.

Elle est en réalité la conséquence du maintien en 1919 de divers textes de loi allemands issus des codes allemands en vigueur en Alsace Moselle de 1870 à 1918, lesquels constituent aujourd’hui une bonne part de ce que l’on appelle le « droit local ».

C’est ainsi que divers textes des codes civil, de commerce et pénal allemands antérieurs à 1918 ont toujours cours en Alsace Moselle, dans leur version d’origine traduite (parfois maladroitement) en français, quand bien même ces textes auraient été abrogés ou modifiés depuis dans leur pays d’origine.

En matière pénale, les articles 166 et 167 du code pénal allemand d’avant 1918 ont notamment été maintenus. Ces deux articles sanctionnent deux délits dans le domaine religieux :

– l’article 166 du code pénal local punit d’une peine de trois ans de prison maximum le blasphème public contre Dieu :

Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse […], ou les institutions ou cérémonies de ces cultes ou qui, dans

une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus.

– l’article 167 sanctionne les atteintes au libre exercice du culte :

Celui qui, par voie de fait ou menaces, aura empêché une personne d’exercer le culte d’une communauté religieuse établie dans l’Etat […], ou qui, dans une église, aura par tapage ou désordre volontairement empêché ou troublé le culte ou certaines cérémonies du culte […] sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces deux articles ne subsistent pas seulement comme traces anecdotiques d’un passé révolu. Ils ont ainsi été utilisés en 1954 par la Cour d’Appel de Colmar qui avait retenu « le trouble volontairement apporté au culte » contre deux personnes qui avaient harangué les fidèles à l’issue d’une messe.

Surtout, ils ont entrainé en 1997 la condamnation de cinq militants d’Act Up à quarante jours amende à 100 F (soit 400 F d’amende qui, si elle ne devait pas être réglée, entrainait l’emprisonnement des mauvais payeurs pour 40 jours) pour avoir perturbé une messe en la cathédrale de Strasbourg (cf http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article1258), condamnation confirmée en 1999 par la Cour de Cassation (crim. 30/11/1999, n° de pourvoi 98-84916).

Quel avenir pour ces deux textes ?

Par un communiqué du 21 août 2012, divers mouvements maçonniques ont demandé leur abrogation (cf http://www.droithumain-france.org/contenu/le-droit-humain-dans-la-cite/e…) alors que parallélement la pression redouble à l’ONU pour que le droit international interdise le dénigrement des religions (cf http://www.lavie.fr/chroniques/matinale-chretienne/au-moyen-orient-chret…).

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