L’obligation pour les artisans d’Alsace-Moselle de s’affilier à une corporation est contraire à la Constitution

L’obligation pour les artisans d’Alsace-Moselle de s’affilier à une corporation est contraire à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012 par le Conseil d’État (décision n° 360487 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 100 f et du troisième alinéa de l’article 100 s du code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (Gewerbeordnung).

Dans sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution.

Explication :

Le code des professions applicable en Alsace-Moselle est un héritage du droit allemand antérieur à 1918 quand l’Alsace-Moselle était sous administration allemande. Il est un des pans du « droit local » alsacien-mosellan.

Selon ce code, tout artisan qui désire s’établir en Alsace-Moselle a l’obligation de s’affilier à la corporation d’artisans qui correspond à son activité, quand elle existe. Evidemment cette affiliation n’est pas gratuite.

Par sa décision du 30 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que cette affiliation obligatoire constituait une atteinte à la liberté d’entreprendre inscrite à l’article 4 de la Déclaration de 1789.

Le Conseil constitutionnel a notamment précisé que si l’existence de corporations n’est pas en elle-même contraire à la liberté d’entreprendre, encore faut-il que « leur existence soit justifiée par un motif d’intérêt général et les restrictions à l’exercice de la profession proportionnées à l’objectif poursuivi. »

Or, en l’espèce, « si l’adhésion d’office à une corporation ne conditionne pas l’exercice de la profession, le cadre corporatiste qu’elle impose entraîne nécessairement une restriction des modalités de l’exercice de la profession. Cette restriction consiste :

– outre l’obligation de s’acquitter de cotisations,

– d’une part, dans l’obligation d’adhérer à une démarche corporatiste (la corporation ayant la faculté d’imposer à ses membres des obligations en lien avec ses missions et le pouvoir d’infliger des sanctions disciplinaires en cas de manquement aux dispositions statutaires) et,

– d’autre part, dans le droit de regard que la corporation peut exercer sur la pratique professionnelle. L’article 94 c prévoit en effet un pouvoir de visite et de contrôle des délégués dûment mandatés de la corporation. Si aucun véritable pouvoir disciplinaire n’est attaché à ce droit d’inspection, il en résulte néanmoins une restriction de la liberté d’exercice de sa profession, ne serait-ce que par l’atteinte au secret professionnel qui en résulte. »

La déclaration d’inconstitutionnalité des articles 100 f et 100 s du code des professions d’Alsace-Moselle est d’effet immédiat. Ainsi, dès aujourd’hui tout artisan alsacien mosellan est en droit de cesser de verser son obole à sa corporation.

Les corporations vont-elles y survivre ? Leur source de financement étant amenée à se tarir rapidement, on peut en douter. Surtout, les corporations étant jugées contraires aux droits les plus fondamentaux, qu’est-ce qui interdirait un artisan de solliciter le remboursement des sommes versées par le passé ? Cette menace est encore plus dangereuse pour les corporations qu’un tarissement des cotisations.

***

La décision est consultable à l’adresse suivante : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/l…

Laisser un commentaire