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Réforme des soins psychiatriques et intervention du JLD

Le Parlement a adopté ce 22 juin 2011 la réforme sur les soins psychiatriques (le texte de loi est consultable à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0692.asp), laquelle conduira à compter du 1er août 2011 au contrôle par le Juge de la Liberté et de la Détention (JLD) d’un nombre important de mesures de soins psychiatriques sans consentement.

La loi prévoit que le JLD dans le ressort duquel se trouve « l’établissement d’accueil » (sic !) peut être saisi à tout moment aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques, qu’elle soit accompagnée ou non d’un placement d’office privatif de liberté.

La loi prévoit une liste relativement large de personnes pouvant saisir le JLD (la personne faisant l’objet des soins, les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure, le conjoint, concubin, PACSé, un parent, le procureur de la République, etc).

Pour les hospitalisations d’office, le JLD doit statuer sous quinzaine.

Pour les placements consécutifs à une décision judiciaire, il doit statuer dans les six mois.

De même, toute mesure d’internement doit faire l’objet d’un contrôle par le JLD tous les six mois !

Le JLD statue après débat contradictoire, et l’absence de décision dans le bref délai imparti entraine de plein droit la mainlevée de toute mesure de placement ou d’internement !

La loi définit le rôle accru dévolu aux avocats dans l’assistance et la représentation des personnes soignées dont les modes de soins doivent être contrôlés.

Reste que le décret qui doit régler les modalités pratiques de cette loi n’est toujours pas paru, malgré la proximité de la date d’entrée en vigueur.

Faut que tu paies, pas possible que tu en réchappes !

L’accès libre au service public de la justice est un principe fondamental reconnu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de justice de l’JUE, notre Conseil constitutionnel français, etc.

Toutefois, face aux contraintes budgétaires actuelles, ce principe fondamental a tendance à être sérieusement battu en brèche.

Ainsi, l’article 20 du projet de loi de finances rectificative 2011 propose d’instituer, pour financer la réforme de la garde à vue, une contribution d’un montant de 35 euros qui sera exigée pour toute procédure en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale, tant devant les juridictions de l’ordre judiciaire qu’administrative, son acquittement constituant une condition de recevabilité du recours initié.

Ce ne serait pas dramatique (quoique) si cette contribution ne venait pas s’ajouter :

– au droit de plaidoirie de 8,84 euros, lequel est depuis janvier 2011 à la charge de tous les justiciables, même ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle,

– à la taxe de 150 euros instaurée en janvier 2010 en matière de procédures devant la Cour d’Appel afin de financer le fonds d’indemnisation des avoués.

Quand la multiplication de ces taxes va-telle s’arrêter ?

Il serait temps que les pouvoirs publics prennent la mesure de la véritable et profonde réforme à initier en la matière plutôt que d’essayer de faire adopter des mesures ponctuelles injustes et inadaptées qui remettent en cause des principes fondamentaux tels que la gratuité et l’égal accès au juge pour tous les justiciables.

Les juges sont-ils irresponsables ?

Chronique juin 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le meurtre de la jeune Lætitia à Pornic par un multirécidiviste a remis sur la table le débat relatif à la responsabilité des magistrats, ou plutôt à leur absence de responsabilité, lorsque ceux-ci commettent de (prétendues) erreurs.

Est-ce que les juges sont effectivement « la seule profession dans notre pays qui ne soit pas sanctionnée » comme a pu l’affirmer Cristhian ESTROSI en février dernier ?

Me BUFFLER : pas du tout. Contrairement à une idée très largement répandue dans l’opinion publique, un juge n’est pas irresponsable, il ne bénéficie d’aucune immunité et, proportionnellement à leur nombre (les juges sont environ 8000 en France), ils sont tout autant, voire davantage, sanctionnés que leurs collègues fonctionnaires d’autres ministères (Défense, Finance, Education nationale, …).

Cas unique dans la fonction publique, leurs procédures disciplinaires sont consultables sur internet sur le site du Conseil Supérieur de la Magistrature (http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/discipline-des-magistrats) et les audiences du CSM sont publiques.

Cela dit, les sanctions prises par le Conseil Supérieur de la Magistrature ne visent pas en tant que tel le bien fondé des décisions prises par un juge mais ses éventuelles fautes disciplinaires comme des retards répétitifs, des pertes de pièces, manquements au secret professionnel, voire corruption passive, etc. Il y a eu 2 révocations et 1 mise à la retraite d’office à cet égard en 2010.

Si un justiciable se contente de contester le bien fondé de la décision qui a été rendue, la solution est très simple : il faut faire appel, voire se pourvoir en cassation ou, dans certains cas, saisir la CEDH.

Dans un État de droit le principe est précsiément qu’un juge peut toujours se tromper. Sauf exception, le premier droit d’un justiciable est de toujours pouvoir bénéficier que sa cause soit réexaminée par un 2e juge, voire un 3e.

Mme VIAL : alors d’où vient ce sentiment que les juges n’auraient jamais à répondre de leurs erreurs contrairement au français, ou au fonctionnaire, lambda ?

Me BUFFLER : à mon humble avis, cela tient au fait que l’on attend trop du juge. Dans le procès d’Outreau ou l’affaire de Pornic, les juges ont pris leur décisions, certes contestables après-coup, en leur âmes et conscience en pensant « bien faire ».

Le juge est un être humain comme vous et moi qui est confronté aux mêmes dilemmes :

– face à des adultes et des enfants qui mettent en cause des pédophiles éventuels, doit-il placer les suspects en détention provisoire au risque de commettre une erreur ou les remettre en liberté au risque que de nouveaux crimes soient commis ?

– de même, face à un délinquant sexuel qui est en droit de solliciter sa libération conditionnelle et qui bénéficie d’un dossier médical et pénitentiaire exemplaire, faut-il le maintenir en prison jusqu’au terme de sa peine, au risque de plomber toute réinsertion, ou lui laisser une chance ?

C’est souvent après coup que l’on a la réponse à ces questions ; et si un juge a le malheur de se tromper, gare à la vindicte populaire.

Mme VIAL : on a pourtant l’impression que les juges sont particulièrement laxistes, l’intérêt des délinquants passant avant celui des victimes.

Me BUFFLER : c’est une vaste blague : les juges français n’ont jamais été aussi répressifs qu’aujourd’hui. La France vient de battre le record du nombre de personnes emprisonnées. Faut-il rappeler que pour la simple détention de 1g de cocaïne un justiciable (récidiviste) peut se retrouver condamner à de la prison ferme, ce qui aurait été inimaginable il y a 10 ou 20 ans ? Que le scandale d’Outreau trouve précisément son origine dans le fait que le doute profite trop rarement à la personne mise en cause ?

Le juge est soumis à l’obligation de « faire de son mieux » mais on ne pourra jamais lui imposer de garantir un résultat. Le risque 0 n’existe pas. Et s’imaginer qu’en intégrant des jurés en correctionnelle, devant le juge d’application des peines, ou en refusant tout aménagement de peine, on éradiquera cette part d’inconnu est parfaitement illusoire, d’autant que contrairement à une idée reçue, le nombre d’homicides en France n’augmente pas.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Avocat : requalification d’un contrat de collaboration en contrat de travail

La profession d’avocat est ainsi faite que tout avocat qui travaille pour le compte d’un cabinet n’est pas (sauf exception) salarié de ce cabinet mais collaborateur libéral.

La différence est de taille puisque, comme le rappelle l’article 14 du Réglement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), contrairement au salariat la collaboration libérale est un mode d’exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination. En outre, et surtout, le collaborateur libéral doit pouvoir constituer et développer une clientèle personnelle, ce que trop de cabinets oublient sciemment.

La sanction du non respect de ces règles est la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail, avec toutes les conséquences de droit qui en découlent (notamment rappel URSSAF).

Ci-dessous un exemple strasbourgeois (nul doute que les membres du barreau strasbourgeois auront reconnu le cabinet concerné).

Dialogue européen sur la gouvernance d’internet

Les technologies de l’information et de la communication font désormais partie intégrante de notre vie en société. Pour les consommateurs, citoyens ou entrepreneurs, jeunes ou seniors, les connaissances et compétences dans ce secteur sont devenues des outils clés pour participer pleinement à la vie économique et sociale.

Les 30 et 31 Mai à Belgrade, le Dialogue pan-européen sur la Gouvernance de l’Internet (EuroDIG) permettra d’étudier comment relever ces défis en Allemagne, en France et en Europe. Parmi les thèmes abordés : les limites de la liberté d’expression, la responsabilité et les droits et devoirs sur Internet.

Afin de permettre à la société civile des différents pays européens de participer, en parallèle de cette rencontre des évènements locaux auront lieu dans différents pays. Grâce à des retransmissions en direct, les personnes intéressées pourront suivre et prendre part aux discussions à Belgrade.

Un tel « Hub » pour l’EuroDIG 2011 est organisé le 31 Mai dans les locaux du Conseil de l’Europe à Strasbourg, à l’initiative de TaC-Together Against Cybercrime, des Centres Européens des Consommateurs France et Allemagne, et du Point de contact allemand pour le commerce électronique.

Les discussions ayant lieu à Belgrade seront intégralement traduites en anglais et partiellement en français.

Maître Laurent Buffler, avocat, et Felix Braun, Responsable du Point de contact allemand pour le commerce électronique, interviendront le 31 mai 2011 lors du Hub Franco-Allemand afin d’initier un débat transfrontalier sur l’utilisation responsable des libertés du net.

Le boucher n’est pas un curé

Par une décision du 13 décembre 2010, le Tribunal des Conflits a jugé que le licenciement d’un salarié employé comme boucher au sein d’un hôtel-restaurant appartenant à la Mense épiscopale de Strasbourg (établissement public du culte catholique chargé de gérer les biens du diocèse de Strasbourg) relevait du conseil des prud’hommes et non du tribunal administratif.

Cela tombait sous le sens, un boucher (sauf erreur) ne participant nullement du service public administratif des cultes ; encore fallait-il le dire au Conseil des Prud’hommes de Strasbourg.

Mediator : et la responsabilité des médecins prescripteurs ?

Depuis 1997 la revue PRESCRIRE alerte les médecins quant aux dangers du MEDIATOR. Pour autant les presciptions de ce médicament ne semblent pas avoir fléchi en France jusqu’à son retrait du marché en 2009.

Comment pendant plus de 10 ans les médecins ont-ils pu continuer à prescrire ce médicament sans le moindre fléchissement apparent ?

Faut-il rappeler aux médecins que ceux-ci ont l’obligation conformément au code de la santé publique et à leur code de déontologie de se tenir informés de l’actualité médicale, « d’entretenir et de perfectionner leurs connaissances, ainsi que de prendre toutes les dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation » ? qu’ils doivent informer leurs patients des effets secondaires des médicaments prescrits, surtout quand ils le sont pour un usage autre que celui de leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ? qu’ils doivent « s’interdire, dans les thérapeutiques qu’ils prescrivent, de faire courir au patient un risque injustifié » ainsi que veiller à « limiter leurs prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins » ?

Dans le cadre du MEDIATOR, les patients peuvent sérieusement s’interroger quant au respect par leur praticien de ces obligations légales, éthiques et déontologiques.

Surtout, si le MEDIATOR avait une AMM comme adjuvant au régime antidiabétique, son usage a largement été détourné pour être utilisé hors AMM comme coupe-faim. Or préscrire un médicament hors AMM n’est pas anodin puisque cela doit être clairement indiqué sur l’ordonnance du médecin. En outre, tout remboursement par la Sécurité Sociale se trouve exclu. De fait, dans ce type de prescription, la responsabilité du médecin se trouve renforcée par rapport aux ordonnances classiques.

Le laboratoire SERVIER a probablement des torts et devra de toute évidence s’expliquer devant les tribunaux. Mais il ne faudrait pas oublier les médecins. Certains ont manifestement prescrit ce médicament avec une légèreté coupable. La question de leur responsablité professionnelle se trouve sérieusement posée.

Et le MEDIATOR n’est que l’arbre qui cache la forêt …

Le code de commerce local

En matière de clause de non-concurrence, subsistent également en Alsace-Moselle d’anciens articles du code de commerce allemand, dit « code de commerce local », maintenus en vigueur selon la loi française du 1er juin 1924.

L’article 74 du code de commerce local stipule notamment :

« Toute convention conclue entre un patron et un commis qui apporte des restrictions à l’activité professionnelle de celle-ci (défense de concurrence), pour le temps postérieur à la cessation du louage de services, doit être constatée par écrit et un acte en contenant les clauses et signé du patron doit être délivré au commis.

La convention prohibitive de la concurrence n’est obligatoire qu’autant que le patron s’oblige à payer pour la durée de la prohibition, une indemnité annuelle de la moitié au moins des rémunérations dues en dernier lieu au commis en vertu du contrat de louage de services. »

L’article 74a poursuit :

« La convention prohibitive de la concurrence n’est pas obligatoire si elle ne sert pas à la protection d’un intérêt légitime du patron. Elle n’est pas non plus obligatoire si, en considérant l’indemnité stipulée, elle cause à raison du lieu, du temps et de l’objet auquel elle s’applique, un tort injuste à l’avenir commercial du commis.

La convention prohibitive ne peut s’étendre à une durée supérieure à deux ans à partir de la cessation du louage de services. »

Ces 2 articles signifient que :

– pour tout salarié commis exerçant son activité principale en Alsace-Moselle, l’indemnité de non-concurrence due ne peut jamais être inférieure à 50 % du salaire brut ;

– en tout état de cause, une clause de non concurrence ne peut jamais excéder 2 ans.

Surtout, la combinaison de ces 2 articles signifient qu’en cas de clause de non-concurrence non limitée dans le temps, c’est le maximum qui est dû au salarié commis, à savoir 50 % du salaire brut sur 2 ans !

Le code civil local en matière de baux

De 1870 à 1918 l’Alsace-Moselle a été une province de l’Empire allemand. En 48 ans de régime allemand le droit allemand s’est progressivement substitué au droit français. A compter de 1918 le mouvement inverse s’est opéré sans toutefois que le droit français ne vienne intégralement se substituer au droit allemand.

Ainsi, en matière de baux, subsistent en Alsace-Moselle les articles 565 et 570 du code civil allemand, dit « code civil local », maintenus en vigueur selon la loi française du 1er juin 1924 (article 7, 11°) :

Article 565 :

En ce qui concerne les immeubles, le congé ne peut être donné que pour la fin d’un trimestre du calendrier ; il doit l’être au plus tard le troisième jour ouvrable du trimestre. Si le loyer est stipulé fixé par mois, le congé ne peut être donné que pour la fin d’un mois du calendrier et doit avoir lieu, au plus tard, le 15 du mois. Si le loyer est payable par semaine, le congé ne peut être donné que pour la fin d’une semaine du calendrier et doit avoir lieu, au plus tard, le premier jour ouvrable de la semaine.

Pour les choses mobilières, le congé doit être donné au plus tard le troisième jour avant celui où le bail doit finir.

Si le loyer pour un immeuble ou une chose mobilière est fixé par jour, le congé peut être donné chaque jour pour le jour suivant.

Les dispositions de l’alinéa 1, 1re phrase et de l’alinéa 2 sont applicables aussi au cas où le bail peut être dénoncé avant son expiration en observant le délai légal.

Article 570 :

Les militaires, les fonctionnaires, les ecclésiastiques et les professeurs des établissements d’instruction publique peuvent, en cas de déplacement dans une autre localité, dénoncer, en observant le délai légal, le bail, quant aux locaux qu’ils avaient loués au lieu de leur résidence ou de leur garnison, pour eux ou leurs familles. Cette dénonciation n’a effet que pour le premier terme pour lequel elle est admissible.

L’article 616 du Code Civil Local

L’article 616 du Code Civil Local (devenu depuis la recodification du code du travail du 1er mai 2008 l’article L 1226-23) énonce :

« Le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

Toutefois, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d’assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l’employeur. »

Il est généralement soutenu que cette « durée relativement sans importance » correspondrait à 3 jours par analogie au délai de carence en matière d’arrêt maladie propre au reste de la France.

Rien n’est plus faux : comme l’a indiqué la Cour de Cassation (notamment soc. 19.1.1992 et 25.11.1992), en l’absence de toute précision dans le texte, la notion de « durée relativement sans importance » doit être appréciée au cas par cas, arrêt maladie par arrêt maladie.

Ainsi, selon les cas, cette durée relativement sans importance peut être d’un jour ou d’une semaine, voire plus.

En tout état de cause, beaucoup d’employeurs d’Alsace-Moselle oublient (à dessein ?) l’exitence de ce texte de droit local et appliquent en toute illégalité les règles propres au reste de la France. Aux salariés d’être vigilants et de rappeler leurs emloyeurs au respect du droit local.